Hostiles antipodes

Où l'on découvre que si l'environnement australien nous en veut, il a quelques bonnes raisons pour ça.

- Attends, répète s'il-te-plaît.

- Je n’ai pas été clair ?

- J’ai bien compris chaque mot, mais je veux être sûr. Ta question est bien : est-ce que je suis au courant qu’en réalité l’Australie n’a pas été colonisée par des pommes ?

- Exactement, c’est ça.

- Parce que j’aurais pu le penser ? Qu’elle avait été colonisée par des pommes ?

- Ah ben oui ! C’est ce que j’ai longtemps cru moi-même, en fait.

- Mais enfin, reprends-toi. Dieu sait que j’ai une grande sympathie pour ce fruit, et ses singulières aventures à travers le monde, mais c’est n’importe quoi cette histoire !

- Aaaah, mais non. Pas les pommes, les pomes. Ou pohms.

- Je ne vois pas ce qu’une faute d’orthographe change.

- Je t’explique. Les Australiens ont plusieurs surnoms et sobriquets pour les Anglais, et l’un d’entre eux est « pom ».

- C’est comme quand tu dis « infâme peuple de tricheurs invétérés ».

- Même chose. A ceci près qu’on peut se demander pourquoi les appeler comme ça.

- Ben, ce sont des tricheurs invétérés.

- Non, je veux dire pourquoi les appeler poms. Et la théorie la plus couramment répandue est que ça vient de POME., pour Prisoners Of Mother England : les prisonniers de la mère (patrie) Angleterre. Ou de POHM, pour Prisoners Of His Majesty, les prisonniers de sa majesté. D’une manière ou d’une autre, une référence au fait que la majorité des premiers colons britanniques en Australie étaient des condamnés.

- Je vois.

- Sauf qu’en fait rien ne permet de valider cette hypothèse. Les Australiens ont l’habitude d’appeler les Anglais « poms », mais on ne peut pas faire de lien avec un acronyme du 18e siècle. Certains pensent que ça vient de pomegranate, la grenade, parce que comme quiconque a déjà fréquenté une plage en été le sait, un Anglais laissé au soleil prend rapidement un joli ton de homard ébouillanté qui peut rappeler celui de ce fruit. Mais il n’est pas plus possible de dire si c’est bien là l’origine du terme. C’est un vieux mot d’argot, donc va savoir exactement d’où il vient.

A ce stade, toutes les hypothèses se valent.

- Je préfère ça. J’ai passé un moment à vraiment penser que tu me disais que le pays avait été conquis par des fruits.

- Oh mais ça aurait pu. Ce serait même loin d’être l’histoire d’invasion la plus étonnante qu’a connue l’Australie. De manière générale, on sait une chose à propos de l’environnement naturel là-bas.

- A peu près tout ce qui vit en Australie veut ta peau.

- Exactement. Mais si on est parfaitement honnête intellectuellement…

- Dieu nous en garde !

- Je suis d’accord, n’en faisons pas un principe. Mais à titre exceptionnel, ça doit nous amener à reconnaître que la nature australienne a certainement une revanche à prendre. Du jour où les Occidentaux ont mis le pied sur l’île-continent dans les circonstances qu'on sait, ils lui en ont mis plein la mouille. On peut même littéralement parler de guerre armée.

- Carrément ?

- Oh oui. Entre les espèces invasives qui ont conduit à construire des structures artificielles réellement visibles depuis l’espace, les opérations militaires contre la faune locale, et l’introduction de bestioles qui évoluent en temps réel pour ravager tout ce qui passe, l’histoire de l’Australie est globalement celle de tout ce qu’il ne faut pas faire quand on arrive dans un nouvel environnement.

- Je veux des détails.

- Certainement. Tout commence avec ces fameuses premières arrivées de colons britanniques. En 1788, la bien nommée First Fleet, la Première Flotte, débarque depuis l’Angleterre. C’est un groupe de 11 navires britanniques qui marque le début de la colonisation de l‘Australie : 2 bâtiments de la Royal Navy, 3 cargos marchands, et 6 vaisseaux transportant des condamnés. Soit environ 1 400 marins, soldats, prisonniers, officiels, et colons libres.

- Des gens qui sont volontairement venus pour habiter en Australie ?!

- Je te rappelle que l’alternative était de rester en Angleterre.

- Ha, oui. Effectivement.

- Malheureusement, tout ce petit monde a embarqué dans ses bagages deux fléaux cauchemardesques, deux calamités sans nom, deux plaies qui feraient passer celles qui se sont abattues sur l’Egypte pour d’aimables plaisanteries : des chats et des lapins.

TREMBLEZ PAUVRES MORTELS !

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En Marge, des histoires derrière l'Histoire. N'importe quoi, mais sérieusement.

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Par En Marge

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