Economo de guerre

Où l'on revient sur l'épidémie qui a frappé le monde à la fin de la Première Guerre Mondiale. Non, pas la grippe espagnole. L'autre. Celle dont...ben on ne sait pas ce que c'était. Mais elle a fait des dégâts.

- Ne me dis pas que tu as encore passé toute la journée sur ce dossier.

- Si ! Et je fais ce que je veux, d’abord !

- Ah mais ça sûrement, loin de moi l’idée de vouloir t’imposer quoi que ce soit. Surtout que je m’en voudrais de te détourner d’une activité qui de toute évidence te fait du bien et te calme.

- Je suis très détendu.

- Certainement. C’est d’ailleurs sans doute pour ça que tu as hurlé quelque chose comme « mais c’est pas possible, j’y passerai encore des heures s’il le faut, mais je finirai par te mettre la main dessus espèce de saloperie ! » il y a déjà trois plombes.

- JE SUIS TRES DETENDU, D’ACCORD ?!

- D’accord.

- Aussi, ces murs manquent vraiment d’isolation sonore.

- Ah ça, j’ai même pu noter les moments où tu commençais à manger tes notes.

- C’était mes notes ou quelqu'un de pénible, tu vois ce que je veux dire ?

- C’est limpide. Laisse-moi deviner, c’est toujours la même vieille enquête ?

- Elle n’est pas vieille, elle est en cours. Une enquête, c’est fermé ou en cours, celle-là est en cours. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que ça ne t’intéresse pas de savoir enfin qui était Jack l’Eventreur ?

- Je dis surtout que si tu t’y remets à chaque fois que le premier ahuri venu essaie de vendre trois bouquins en prétendant avoir enfin la réponse, tu n’en finiras jamais tu sais. Il y en a au moins un par an.

Ah, la livraison du mois.

- Ainsi soit-il. Si un ahuri doit trouver, ce sera moi.

-…

- Ok, la formulation mériterait d’être revue, mais tu me comprends.

- Je comprends le principe, la démarche, la quête oserais-je dire, moins l’objet.

- Comment ça ? Tu ne veux pas savoir ?

- Ca m’intéresserait, dans l’absolu. Evidemment, c’est une figure qui a profondément marqué son époque, et au-delà, qui est entrée dans la culture générale, et tout ça. Je ne nie pas. Mais bon, quand même, à l’arrivée on parle de quelqu'un dont le nombre de victimes certaines est de l’ordre d’une demi-douzaine, c’est pas non plus…

- Ah ben bravo, voilà, je ne suis pas surpris, on voit bien le peu de considération que tu as pour l’humanité en général et les prostituées en particulier.

- Pas du tout. Tu sais très bien que c’est faux. Enfin je veux dire, c’est faux. Et puis par ailleurs, on peut raisonnablement supposer que le coupable n’est plus en état de sévir de nos jours. Donc certes, découvrir son identité satisferait la curiosité intellectuelle, mais c’est à peu près tout.

- Je trouve que c’est déjà énorme.

- Certes, certes. Mais enfin…si tu veux vraiment une enquête sur un tueur inconnu… qui a fait beaucoup, mais alors beaucoup plus de victimes…

- On parle de quel ordre de grandeur ?

- Oh, des centaines de milliers.

- Des centaines de milliers de victimes ?!

- Uh huh. Et pour le coup, nous n’avons aucune garantie qu’il ne reviendra pas un jour.

- Mais enfin, c’est alarmant !

- C’est surtout un des plus grands mystères de la médecine moderne.

- Je ne dis pas que je vais prendre l’affaire, mais je veux bien que tu m’en dises un peu plus.

- Tu vois, le monde se divise en trois catégories.

- Non, je connais mes classiques, c’est deux.

- En trois catégories. Il y a ceux, qui doivent représenter près de 100 % de la population en âge d’aller au collège, qui savent qu’entre 1914 et 1918 le monde a été secoué par la Première Guerre Mondiale dont le bilan est estimé à environ 10 millions de morts.

- D’accord, je suis dans la première catégorie.

- Ca se joue à quelques mois, mais oui. La deuxième catégorie est composée des personnes qui se souviennent que la terrible épidémie de la grippe dite espagnole de 1918-1919 a fait au moins le double de morts, peut-être même plutôt de l’ordre de 50 millions, en touchant jusqu’à un quart de la population mondiale qui était alors d’un peu moins de 2 milliards d’individus.

- Hé hé, je suis aussi dans la deuxième catégorie.

- Enfin, dans la troisième catégorie se trouvent les gens qui savent qu’au même moment, une autre épidémie a littéralement mis sur le flanc plusieurs millions de personnes. Et que non seulement elle en a tuées des centaines de milliers, mais qu’en plus parmi ceux qui ont survécu certains sont restés dans un état de torpeur et d’apathie, que les médecins eux-mêmes ont comparé à des zombies, pendant plusieurs décennies. Et enfin qu’on ne sait toujours pas ce que c’était, ni par conséquent si ça pourrait revenir.

- Je ne suis définitivement pas dans la troisième catégorie. Et je m’en portais très bien, merci.

- De rien.

- Bon, est-ce qu’on a quand même un nom de suspect ?

...

En Marge, des histoires derrière l'Histoire. N'importe quoi, mais sérieusement.

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Par En Marge

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