La (véritable) histoire d’Adèle H.

Où l'on se penche sur une jeune femme à qui Truffaut a fait bien du mal.

— C’est quoi, ce que tu écoutes? Parce que c’est beau, mais c’est triste.

— Et ça te change surtout de Fatal Vomit.

— C’est très bien, Fatal Vomit. Moins de violoncelle, d’accord, mais très bien.

— C’est une mélodie d’Adèle Hugo.

— Qui ?

— Adèle H.

— Ah ben voilà, fallait le dire tout de suite. Isabelle Adjani. Truffaut. Je situe.

— C’est quand même beau, la puissance du cinéma, on connait davantage la cadette de Victor Hugo par son initiale que par son nom. Enfin quand je dis qu’on la connait, d’ailleurs, c’est vite dit.

— Ben quand même y a Adjani et Truff....

— Ce n’est pas un documentaire, minou. C’est une fiction dont la qualité cinématographique... disons que chacun a son avis, OK ? Mais surtout, ça a plutôt mal vieilli sur le pur plan des faits.

— Ah bon ?

— Oh oui.

— Raconte.

— D’une certaine manière, l’histoire d’Adèle H commence par un décès.

— Tu ne voudrais pas te tenir à l’ordre chronologique POUR UNE FOIS, non ?

— Je n’ai pas parlé du sien, de décès. Non, le truc qui vient percuter son existence commence sur les bords de la Seine, le 4 septembre 1843, pas très loin du Havre - à Villequier, pour être précis, tout près de son embouchure. Adèle ne fait pas partie du petit groupe de quatre personnes qui s’affaire sur la rive autour d’un beau canot de bois, taillé pour la course. Elle a 13 ans, elle ne choisit pas.

— 13, hein ? Je sens que ça va merder.

— Tu peux. Il y a là, Pierre Vacquerie, son fils Arthur, son neveu Charles et la jeune épouse de celui-ci, Léopoldine, 19 ans tout juste – la fille ainée de Victor Hugo. Le mariage n’a pas six mois, et chacun sait que les deux époux s’adorent.

— Je sens que ça va merder et que ça va être triste.

— Tu peux toujours. Un tour en canot, c’est toujours une petite aventure, même si le trajet ne sera pas bien long : quelques kilomètres à peine. Léopoldine a hésité, mais elle a finalement décidé d’en être avant de rejoindre sa mère Adèle et sa sœur Adèle au Havre.

— Tu t’es trompé, on a deux Adèle.

— Oui, il faut croire qu’on s’emmerde plus à chercher des idées de romans qu’à varier les prénoms, chez les Hugo. Adèle porte le même prénom que sa mère. Vers dix heures, on embarque. Tout se passe bien d’abord, mais une violente rafale renverse la barque. Léopoldine s’accroche au canot, mais le poids de sa robe gorgée d’eau l’entraîne vers le fond. Son mari plonge une fois, deux fois, six fois. Rien n’y fait. Léopoldine ne reverra jamais la surface – aucun des autres passagers non plus, d’ailleurs. C’est d’elle dont parle Hugo dans son poème « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne... »

— Eh ben c’est dangereux, la Seine, dis-moi.

— Tu veux connaître un détail bien sinistre ?

— ... Je sais pas... ?

...

En Marge, des histoires derrière l'Histoire. N'importe quoi, mais sérieusement.

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Par En Marge

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