- Raaaah, mais c’est pas vrai !
- Quoi ?
- Ben regarde. C’est l’hécatombe dans mes jardinières !
- Encore ?
- Oui, encore. Les trois quarts des trucs que j’ai plantés il y a deux mois ont crevé. Bon, je crois qu’on est bon pour une nouvelle visite à la jardinerie.
- Ton application à subventionner l’industrie horticole force l’admiration. La profession devrait te décerner une médaille.
- Ha. Ha. Ha.
- Non mais au bout d’un moment faut essayer de comprendre. Laisse-moi regarder.
- Je t’en prie, contemple le désastre.
- Mmm…ah ben je vois où est le problème.
- Tu te moques de moi.
- Point. Il y a de quoi se demander où tu as appris la botanique.
- Euh, des notions que j’ai attrapées ça ou là au fil de mes…expériences.
Oui, c’est aussi comme ça qu’il a appris à conduire.
- Ca se voit. Regarde-moi ça, c’est beaucoup trop espacé.
- Espacé ?
- Mais oui. Tu positionnes tes plants trop éloignés les uns des autres. Ca ne va pas du tout. Ca n’a aucun sens botaniquement parlant, c’est totalement aberrant. Je ne t’ai pas vu procéder de façon aussi déraisonnable depuis l’époque où tu cherchais à faire pousser des trucs dans un placard avec des halogènes.
- Je t’ai déjà dit de ne pas en parler !
- D’accord. En attendant tu dois revoir tes principes de plantation.
- Mais…non, il faut laisser à chaque plante la place pour se développer, avoir sa part de nutriments.
- Pffff, ridicule ! Une conception dépassée et bourgeoise de la biologie végétale.
- Bourgeoise ? Qu’est-ce que ça vient faire là-dedans ?
- Tout, camarade. Tu ne fais quand même pas partie de ces naïfs endoctrinés qui pensent qu’il faut distinguer science et politique ?
- Eh bien…si, en fait.
- Absurde. Contre-révolutionnaire.
- Attends, quand même.
- Ecoute, à qui fais-tu le plus confiance : tes vagues notions de botanique, ou le plus grand agronome de l’Union soviétique ?
- Le plus grand…on peut faire confiance à la science soviétique ?
- Les gars qui ont été les premiers à envoyer un satellite et un homme en orbite, et qui se sont tiré la bourre en matière nucléaire avec les Etats-Unis pendant plusieurs décennies ?
- Oui, effectivement.
- Crois-moi, on a affaire à un type qui a des références. En fait, on peut sans doute dire que c’est le scientifique qui a indirectement tué le plus de monde dans l’histoire.
- Pardon ?!
- Plusieurs dizaines de millions de morts. Mais il maîtrisait plutôt bien la dialectique léniniste, donc j’imagine qu’au final ça s’équilibre.
- Non !
- Qu’est-ce que tu peux être matérialiste…
- De qui tu me parles à la fin ?
- Trofim Denissovitch Lyssenko. J’imagine que le nom ne te dit rien, pourtant il a été repris pour décrire un phénomène important dans la science en général. Lyssenko est né le 29 septembre 1898 à Karlivka, en Ukraine. C’est le fils d’un couple de paysans.
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