Anarchy in the Angleterre

Où l'on souligne que si constituer un gouvernement peut être compliqué, choisir un souverain peut l'être beaucoup, mais alors beaucoup plus. Et parfois, ça se joue à celui qui a les intestins les plus solides.

- Hola, tu en fais une tête !

- Oui, je me doute.

- Qu’est-ce qui se passe ?

- Je dois passer un mauvais moment.

- Ah, mince. C’est quoi.

- Je dois avouer que […].

- Pardon ?

- J’ai dit : je dois avouer que […].

- Je suis désolé, j’entends rien. Faut parler plus fort.

- Je…je me suis trompé. J’ai eu tort, voilà.

- Ouch. Bon ben tu vois, c’est pas si terrible.

- Si !

- Maintenant que tu es parti, vas jusqu’au bout : à propos de quoi ?

- J’ai pas envie…

- Ca suffit ces enfantillages, maintenant.

- (Soupir) J’ai eu tort, je me suis trompé, il y a choses intéressantes et remarquables et valent la peine d’être racontées, bien qu’elles aient à voir avec l’histoire de ce foutu pays qu’est l’Angleterre, et pire encore de sa fichue monarchie…

- Je suis fier de toi.

- …même si cette institution grotesque n’a plus aucune raison d’exister et encore moins de fasciner des légions de demeurés à travers le monde.

- Je ne dis rien, tu as droit à une petite compensation. A quoi tu penses, plus précisément ?

- A un épisode grandiose. Pour la bonne et simple raison qu’il est en fait beaucoup plus français qu’anglais, en vrai : la succession de Guillaume le Conquérant.

- Je vois. Mais du coup, c’est surtout normand.

- Oui ben normand, français…

- T’es quand même conscient que les Normands en question venaient de Scandinavie ?

- Oh ça suffit, hein, je souffre !

- Donc, l’histoire de la succession de Guillaume ?

- C’est génial. C’est comme Game of Thrones, d’ailleurs Georges Martin ne se cache pas de ses inspirations historiques, mais si l’auteur avait pris la peine de finir son histoire lui-même plutôt que d’en laisser le soin à une équipe de teubés.

- Je peux difficilement te donner tort.

- Et aussi, comme s’il avait beaucoup, mais alors beaucoup de mal à imaginer des prénoms et tournait avec à peine une demi-douzaine pour tous ses personnages. C’est tout de suite difficile d’organiser la succession de celui qui réunit le duché de Normandie et le royaume d’Angleterre en 1066. Guillaume a épousé Mathilde de Flandres, retiens bien, et ils ont dix enfants.

- Faut occuper ses soirées.

- Dont trois fils, entre lesquels Guillaume organise sa succession : la Normandie ira à l’ainé Robert, l’Angleterre au benjamin Guillaume[1], et le compte épargne au cadet, Henri.

- Pardon ?

- Henri n’a pas de fief, mais il reçoit une compensation. Et c’est bien, parce qu’avec il va s’acheter de la patience. Guillaume le père disparaît en 1087, les enfants se répartissent l’héritage comme prévu. Puis commencent à se disputer. Je vais faire vite parce que c’est pas l’époque qui nous intéresse le plus aujourd'hui, mais Robert et Guillaume voudraient tous les deux réunir le double royaume de papa, pour eux. Guillaume le fait pendant que son frère est parti à la croisade, mais il meurt en 1100. Quand il revient de Jérusalem, Robert récupère son duché sans problème, mais Henri en a profité pour devenir roi d’Angleterre. Robert décide donc de partir en guerre contre son frangin, débarque en Angleterre, et se fait promptement botter le fondement par Henri, qui le défait, le capture, l’emprisonne, et met la main sur la Normandie en 1105.

- En moins de vingt ans il a un peu revisité le testament.

« J’ai corrigé deux-trois coquilles, max. »

- C’est ça. En 1120, le roi d’Angleterre est ainsi Henri Ier, dit « Beauclerc » parce qu’il avait fait des études, et aussi que les courtisans ont toujours été des fayots. Et il est donc aussi duc de Normandie.

- Comme papa.

- Voilà. Et après tout ça, il se dit sans doute qu’il faudrait gérer la succession un peu mieux que ce dernier pour éviter que ça finisse encore en eau de boudin, parce qu’entre nous qu’y a-t-il de plus moche qu’une famille qui s’entredéchire pour récupérer un héritage.

- J’ai toute confiance en lui.

- Le fait est qu’il va essayer. Mais y’a des fois où on n’est vraiment pas aidé.


[1] Nous avons décidé pour toute cette histoire de retenir la forme française des noms : Henri pour Henry, Guillaume pour William, Mathilde pour Matilda, Etienne pour Stephen, etc.

...

En Marge, des histoires derrière l'Histoire. N'importe quoi, mais sérieusement.

Par En Marge

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