En Marge, des histoires derrière l'Histoire. N'importe quoi, mais sérieusement.

L’Histoire, c'est certes l’affaire de savants spécialistes qui plongent des archives qui font éternuer. Mais c'est aussi le petit détail qui a le don de faire sourire deux gugusses dans notre genre. Ici, on se raconte les petites histoires qu'on trouve dans les marges. Et soit vous n'en avez jamais entendu parler, soit vous ne savez pas tout.

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Par En Marge
5 avr. · 9 mn à lire
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Royal prépuce

Où l'on se penche sur les coulisses d'une nuit de noces qui ne se déroule pas comme prévu.

- Mais quelle foutue machine de ses grands morts.  

- Qu’est-ce qui se passe, encore ?  

- J’ai frôlé l’accident avec la guillotine à saucisson.

- Sans même insister sur le fait qu’il est six heures du matin et que ça n’est pas une heure décente pour se faire des tartines de cochonnailles, je t’ai toujours dit de te méfier de cet engin. Surtout depuis que tu as lesté le couperet avec une enclume.

- Oui mais ça découpe n’importe quoi, du coup, même un saucisson corse. Et puis je trouve ça drôle.

- Et de bon goût.

- On est révolutionnaire, ici, d’accord ? Sic semper tyrannis !

- « Ainsi finissent les tyrans » ? Je te signale à toutes fins utiles que c’est exactement cette phrase que John Wilkes Booth a lancé en tuant Abraham Lincoln.

- Oui non mais là, c’est pas pareil. Je veux dire par là qu’en guillotinant un saucisson, je célèbre la mort de l’infâme citoyen Capet dont la funeste engeance a si longtemps tenu en esclavage le peuple souve...

- C’est loin d’être le pire de la lignée. À mon humble avis et en toute justice, c’est plutôt Louis XV qui aurait mérité un procès en bonne et due forme, mais passons.

- Eh ben il s’est fait découper quand même. Deux fois, d’ailleurs. C’est aussi ce qui rend le saucisson rigolo.

- Comment ça, deux f... Ah, je vois. La vieille histoire du prépuce de Louis XVI, c’est ça ? La petite opération chirurgicale qui lui aurait enfin permis de remplir son rôle d’époux auprès de Marie-Antoinette ?

- Exactement.

- Tu sais que cette vieille histoire est sans doute une légende ?

- Ah non. Je refuse. C’est trop beau...

- ... Pour être vrai. Ou plutôt, c’est du même ordre que la fameuse opération de la fistule de Louis XIV qui aurait inspiré le God save the King britannique : beaucoup médisance de et un bel emballage cadeau, un joli ruban de rumeurs - mais pas beaucoup d’éléments factuels. Mais je sens que tu veux tout savoir sur le royal zizi.

- Tu l’as dit. Ça t’ennuie si je continue de découper mon jésus pendant ce temps-là ?

Non, pas lui, il a son compte.Non, pas lui, il a son compte.

- Je t’en prie. Retour en arrière donc, direction le 18e siècle au moment d’un mariage que l’Europe entière commente : celui du dauphin Louis et de l’archiduchesse d’Autriche.

- Celle dont les chaussettes sont archi-sèches ?

- Je n’ai aucun indice sérieux sur l’hygrométrie de ses socquettes, mais on parle en tout cas bien de Marie-Antoinette. Nous sommes en mai 1770, pour te situer. Le mariage est évidemment très politique : après quelque chose comme trois siècles à se mettre joyeusement sur la gueule à la première occasion, l’Autriche et la France se sont rapprochées depuis 1756, et l’union du jeune Louis et de la jeune Marie-Antoinette vient consolider tout ça, au terme d’un deal savamment négocié par Louis XV et l’impératrice Marie-Thérèse. Le duc de Berry et dauphin de France, 15 ans, épouse Marie-Antoinette, archiduchesse d’Autriche, 14 ans.

- C’est... jeune.

- Et c’est légèrement impressionnant pour les premiers concernés. Même quand on est habitué à la vie de cour depuis son plus jeune âge, les cérémonies organisées à Versailles le jour du mariage ont de quoi faire un poil monter le rythme cardiaque, le stress, la fatigue et la nervosité, d’autant qu’il y a de l’orage dans l’air.

- Ah bon, déjà ?

- Non, littéralement. Il règne un abominable temps de chiotte le jour du mariage, au point qu’on doit reporter le feu d’artifice.

- Pas forcément un mal, quand on sait comment il a fini.

- En attendant, toute la noce se replie dans la Galerie des Glaces après une journée épuisante. Pour les jeunes époux, je te passe l’enfer d’une journée où ils n’ont jamais la moindre minute de répit. Ils sont constamment observés et jaugés, y compris par un certain nombre de langues de putes comme Versailles en a le secret.

- En façade, tout le monde sourit. En aparté, tout le monde daube.

- Tout le monde non, mais disons qu’il y a des observateurs plus ou moins bien intentionnés et qu’il y a toujours des oreilles qui traînent pour écouter discrètement ce qui se murmure autour du jeune couple. Les conseils de Louis XV à son petit-fils, par exemple.

- Des conseils pour ?

- Pour la nuit de noces, tiens. Libertin de première, Louis XV a des raisons de s’inquiéter sur le comportement de son successeur au cours de la nuit qui s’annonce – une nuit décisive : ce n’est qu’en « consommant » le mariage que l’union des deux Couronnes sera pleine et entière.   

- Et c’est quoi, son problème, au Dauphin ?  

- Oh rien de précis. Mais disons que pour un ado de quinze ans, il n’affiche pas les appétits charnels qui caractérisent la longue lignée des Bourbons.

- C’est joliment dit. En clair ?

- En clair, il semble qu’il n’en ait rien à secouer de la bagatelle. Son truc, c’est la chasse, pour ce qui est de l’activité physique, et la menuiserie ou l’horlogerie, pour ce qui entre dans la catégorie violon d’Ingres.

- Ah mais c’est pas une légende ?

- Pas du tout. Louis XVI s’est toujours intéressés aux sciences et à la mécanique. Mais le sexe, boarf.

- A quinze ans ?

- Oui, à quinze ans. Autant te dire que ça préoccupe un peu Louis XV qui tente de donner quelques conseils à l’héritier du trône.

- Du genre ?

- Du genre « essaie de ne pas bouffer comme un goret ce soir ».  

- ... C’est pas idiot.

- Le dauphin lui répond avec une naïveté touchante qu’il ne voit pas pourquoi il se priverait, au motif qu’il dort toujours mieux quand il a bien soupé.

"Et puis poser toutes fringues, je voudrais vous y voir"."Et puis poser toutes fringues, je voudrais vous y voir".

- Ah. Bon, en même temps, c’est rarement le soir de tes noces que tu peux postuler pour le titre de Divan le Terrible, faut reconnaître.

- Aujourd’hui non pour l’excellente raison que dieu merci, la plupart des couples qui convolent ont eu l’occasion de pratiquer la chose avant, ce qui évite d’y mettre un peu trop d’enjeu. Mais en 1770, si. On attend du futur roi qu’il remplisse son office avec toute la vigueur virile qu’on attend bien entendu d’un prince de sang issu d’une longue lignée de grands bandeurs autoproclamés. Un roi de France, dans l’esprit de beaucoup, ça aligne les conquêtes, les maîtresses et les affaires de cul. Pour Louis XIV, la liste compte la marquise de Montespan, Louise de La Vallière, la duchesse de Fontanges, Madame de Maintenon… Louis XV, qui s’est affiché avec quatre des cinq filles du marquis de Nesles, est aussi resté célèbre pour sa liaison avec la marquise de Pompadour ou la moins aristocratique madame du Barry. Mais la référence absolue, c’est Henri IV, le « Vert-Galant » : on lui attribue quarante à soixante maitresses.

- Quelle santé.

- Tu ne crois pas si bien dire et on lui prête d’ailleurs la vantardise suivante « jusqu’à 40 ans, j’ai cru que c’était un os ». Bon, ben dans cette glorification des appétits hors du commun des rois, on retrouve un grand classique : la vitalité royale traduit celle du royaume. Un roi, ça baise. Beaucoup.

- C’est bien, c’est pas du tout toxique pour un gosse de 15 ans.

- Ni pour son épouse qui en a 14. Bref, je te la fais courte : la nuit des noces se déroule sans drame, certes, mais sans que le mariage ne se traduise en acte.

- Le dauphin ronfle comme un sonneur.

- Ce qui peut se comprendre après une journée pareille. Le hic, c’est qu’il en est de même la nuit suivante. Puis la suivante. Puis...

- Je crois qu’on a saisi l’idée. Et ça dure longtemps ?

- Sept ans.

- Pardon ?

- Ben oui. Pendant sept ans, le Dauphin devenue roi en 1774 fera plusieurs séjours dans la chambre de la jeune reine, mais sans que la situation n’évolue sur un plan, disons, intime.

- Et on jase.

- On jase et on s’inquiète : à ce rythme là, la reine de risque pas de tomber enceinte. Et si la reine n’attend pas d’enfants, c’est le trône de France qui est menacé.

- Je commence à comprendre d’où viennent les rumeurs sur la reine.

- Et sur le roi. Parce que ce qui est beau, c’est que derrière l’étiquette et le respect absolu qu’on manifeste en leur présence, le couple royal en prend plein la gueule en coulisses. On imagine mal la violence de ce qui se dit sur eux. On chante dans les tavernes et les cafés et on s’amuse beaucoup de l’infortune royale, certes, mais toutes les rumeurs partent de la cour, plus ou moins méchantes, odieuses, ironiques ou calomnieuses. En 1770, un poème circule déjà :  

On sait bien que le pauvre Sire,
Trois ou quatre fois condamné
Par la salubre faculté,
Pour impuissance très complète,
Ne peut satisfaire Antoinette.
De ce malheur bien convaincu.
Attendu que son allumette
N’est pas plus grosse qu’un fétu ;
Que toujours molle et toujours croche,
Il n’a de vit que dans sa poche ;
Qu’au lieu de foutre, il est foutu
Comme feu le prélat d’Antioche.

Et en 1775, un pamphlet évidemment anonyme surgit au moment de l’épiphanie avec ce texte : « A Louis XVI, notre espoir / Chacun disait cette semaine / Sire, vous devriez ce soir / Au lieu des rois, tirer la reine. » 

- Classe.

- Ce n’est rien à côté des racontars qui commencent à courir sur la reine.

- Parce que c’est évidemment sa faute si Louis XVI n’est pas porté sur la chose ?

- Évidemment. Déjà, elle est autrichienne, si c’est pas une preuve ? Et puis on lui prête des tendances... particulières.

- Des amants ?

- Des amantes, surtout. Tout le monde connait les rumeurs qui courent au sujet du comte de Fersen ou du comte d’Artois, le frère de Louis XVI, mais l’angle d’attaque principal sur la reine, c’est son amitié avec Madame de Lamballe.

- Ah oui. L’amie un peu trop proche aux goûts de certains.

- Le 18e siècle est certes celui des Lumières mais disons qu’elles s’allument souvent pleins phares sur des fantasmes pas toujours très sains, oui. Faut pas imaginer un 18e siècle coincé du cul, au contraire. On en parle beaucoup, partout et sans complexes.

- Et on bitche.

- Ola si tu savais. Précisons qu’absolument rien ne permet de conclure que Marie-Antoinette se soit livrée à quoi que ce soit avec qui que ce soit.

"ET CROYEZ-MOI QU'ON S'EMMERDE FERME A VERSAILLES.""ET CROYEZ-MOI QU'ON S'EMMERDE FERME A VERSAILLES."

- Et quand bien même, la pauvre aurait quelques motifs d’aller voir ailleurs comment se bricoler une vie sexuelle digne de ce nom, vu le contexte. Mais c’est quoi, en fait, le problème du roi ?

- Ben c’est toute la question. La virginité persistante de Marie-Antoinette devient très vite une affaire d’État, et le fonctionnement de la royale biroute avec.

- À ce point ?

- Plus que ça encore : tout le monde s’en mêle. Mais vraiment tout le monde.

- Du genre ?

- Du genre Louis XV, tant qu’il est encore en vie. L’année du mariage, il se tient régulièrement au courant dans un Versailles où tout se sait. On sait quand le dauphin se rend chez sa femme. On observe à quoi ressemblent leurs draps le lendemain matin. On a des oreilles et des yeux partout. On lit les lettres, des uns et des autres, on écoute les confidences. On sait que le 21 mars 1771 et les semaines qui suivent, le dauphin dort enfin chez son épouse après des semaines à faire chambre à part, et qu’il y retourne coucher dans le lit de la dauphine. On murmure que Louis aurait presque consommé son mariage le 26 mars, mais que la tentative se serait soldée par un demi-échec.

- On en est vraiment à mesurer la fermeté des érections royales ?

- Mais oui, comme on en est à se demander si son épouse a ou non perdu sa virginité, et si son royal époux est allé ou non au bout de l’acte, histoire d’espérer une grossesse royale.

- Encore la lignée...

- Toujours. Avoir des enfants, de préférence plusieurs et surtout des fils, c’est LA préoccupation des rois – rappelle-toi que Louis XVI est le troisième petit-fils de Louis XV – on n’avait déjà plus beaucoup d’options et la Cour ne veut pas plus d’un tel risque sur la succession.

- D’où l’attention royale.

- Louis XV a plusieurs échanges avec son héritier dans les années qui suivent, sur un mode disons... franc. On fait même examiner le zizi du dauphin par des médecins. En présence de Louis XV.

- Oh bordel la séance pas humiliante. Et ?

- Uh bien l’explication tient à ce qui semble relever d’une petite malformation bénigne, mais douloureuse : un phimosis.

- Un quoi ?

- Le prépuce royal coulisse mal.

- Ah merde.

- En gros, dès que Louis se sent disons en forme, ça vire à la torture : en grossissant, le membre viril peine à se décalotter, la peau du prépuce adhérant trop fortement à ce qu’il recouvre.

- Je vois mal.

- Tu as déjà galéré en enlevant les infâmes pulls à col roulé en acrylique qu’on nous collait quand on était mômes ?

- Oh oui. L’impression qu’on t’arrachait la peau du visage et les cheveux avec. D’ailleurs c’est comme ça que t’as perdu les tiens, non ?

- Andouille. Le gland se retrouve en quelque sorte étranglé par son propre col roulé, si je peux me permettre cette image. D’où une douleur assez infâme.

- Sympa, ça, d’associer bandaison et douleur.

- Ben il y en a qui aiment et on juge pas, mais ça n’est manifestement pas le cas de Louis XVI. Ce qu’on lit entre les lignes, c’est que le Dauphin fait tout pour éviter de se retrouver dans des situations où il a le sentiment qu’on lui épluche le zguègue.

- Mais le pauvre.

- Oh, ça se soigne, hein.

- On retombe sur la fameuse opération.

- Ben non.

- Non quoi ?

- Non, on ne retombe pas sur la fameuse opération parce que Louis XVI ne veut semble-t-il pas en entendre parler.

- MAIS ENFIN.

- T’excite pas et replace-toi dans la situation chirurgicale des années 1770. Pas d’anesthésie. Pas de désinfectant. Une opération de la peau du pénis. De TON pénis.

"Si Sa Majesté veut bien se donner la peine de glisser son estimée biroute ici...""Si Sa Majesté veut bien se donner la peine de glisser son estimée biroute ici..."

- ... Dit comme ça, j’entends.

- Et puis il y a d’autres solutions. Aujourd’hui, on tente des corticoïdes mais l’opération étant parfaitement banale, on passe en général assez vite au bistouri. En 1770, on peut appliquer des onguents, détendre et en quelque sorte assouplir le prépuce, etc. On en informe discrètement Antoinette qui s’empresse d’annoncer la bonne nouvelle à son impératrice de mère tout en ajoutant que son mari reste « d’une nonchalance et d’une paresse qui ne le quittent que pour la chasse ». Mais voilà, on tente, on essaie des trucs et ce sont probablement toutes ces manœuvres qui permettent à Louis XVI de retenter plusieurs fois sa chance...

- ... au tirage...

- MAIS ENFIN. Mais bref, les bains médicinaux et autres émollients qu’on applique sur le royal zizi ne suffisent pas. Louis XVI ne peut toujours pas remplir son devoir conjugal.

- Il risque de perdre son z... son job.

- Alors non, mais il risque de perdre toute crédibilité, ce qui revient un peu au même. Toute l’Europe diplomatique s’amuse ou s’affole de cette situation qui perdure – je te passe l’ironie des Anglais, par exemple.

- M’aurait surpris. Et du côté autrichien ?

- Ben on s’énerve. La pression se fait de plus en plus intense sur le roi que tout le monde pousse à subir la fameuse intervention. La reine, de son côté, est complètement désabusée, à en croire une lettre qu’elle envoie à sa mère : « Je doute fort que le roi se détermine à l’opération. Malheureusement, les médecins augmentent son indécision : le mien, sans la croire nécessaire, croit qu’elle serait très utile. Celui du roi, qui est un vieux radoteur, dit qu’il y a beaucoup d’inconvénients à la faire et autant à ne pas la faire... »

- Comme quoi les médecins qui se renvoient la balle, ce n’est pas d’aujourd’hui.

- Ouaip. Mais l’horloge tourne. En 1777, le couple est marié depuis sept ans et rien ne se passe. Du coup, Joseph débarque.

- Qui ?

- Joseph II, empereur d’Autriche et frère ainé de Marie-Antoinette.

- Et il vient pour ?

- Pour engueuser sa sœur, essentiellement. La frivolité dépensière de la jeune reine commence à faire des vagues et ça ne fait pas marrer le frangin. Mais il est surtout là pour lui rappeler qu’il serait peut-être temps d’avoir des gosses.

- Mais elle n’y peut rien, la pauvre !

- Non, même si Joseph lui donne semble-t-il quelques conseils sur les préliminaires – pardon, les « agaceries » - susceptibles de mettre son époux en condition.

- MAIS QUE C’EST GLAUQUE BORDEL.

-  Oh du tout. Puis vient une explication franche et massive entre les deux beaux-frères, le roi de France et l’empereur d’Autriche.

- On sait ce qu’ils se sont raconté ?

- Pas mot pour mot mais on sait ce que Joseph en a retenu grâce à cette lettre magnifique qu’il adresse un peu plus tard au duc de Toscane : « Enfin, [Louis] n’est pas impuissant ni de corps ni d’esprit. Dans son lit conjugal, il a des érections fort bien conditionnées, il introduit le membre, reste là sans se remuer deux minutes peut-être, se retire sans jamais décharger, toujours bandant, et souhaite le bonsoir. »

- Je pleure bon dieu.

- Oh attends, ça continue : « Cela ne se comprend pas, car avec cela il a parfois des pollutions nocturnes, mais en place ni en faisant l’œuvre jamais. Et il est content, disant tout bonnement qu’il ne faisait cela que par devoir et qu’il n’y avait aucun goût. Ah, si j’aurais (sic) pu être présent une fois, je l’aurais bien arrangé ! Il faudrait le fouetter pour le faire décharger de colère comme les ânes. Ma sœur avec cela a peu de tempérament et ils font deux francs maladroits ensemble ».

- Mais c’est fabuleux.

- Écoute il faut croire que les bons conseils de Joseph ont donné des résultats. Le 30 mai 1777, l’empereur quitte Versailles. Le 18 août, le mariage est enfin consommé.

- Hein ? Mais on sait ça comment ?

- Par une lettre de Marie-Antoinette à sa mère, je cite : « Je suis dans le bonheur le plus essentiel (...) Il y a plus de huit jours que le mariage est parfaitement consommé. L’épreuve a été réitérée et encore hier plus complètement que la première fois. Je ne crois pas être grosse encore, mais au moins j’ai l’espérance de pouvoir l’être d’un moment à l’autre ». Elle a raison, d’ailleurs : sa première fille, Madame Royale, naitra un an plus tard, en décembre 1778, suivie de trois autres enfants.

- Donc Louis XVI s’est bien fait opérer.

- Ah non.

- Comment ça « ah non » ! Puisqu’il parvient enfin à coucher avec sa femme !

- Oh ça oui. Mais personne ne dit qu’il y a eu besoin d’une quelconque opération. On ne trouve aucune trace d’une quelconque convalescence royale à l’été 1777. Le roi poursuit ses activités habituelles comme de rien n’était. Alors que je peux te jurer que tu ne te balades pas à cheval pour aller chasser quand tu viens de te fader une posthectomie.

- Une pardon ?

- Un débridement cutané par incision longitudinale superficielle.

Bon là tout de suite c'est moins superficiel.Bon là tout de suite c'est moins superficiel.

- C’est fini, oui ?

- Une circoncision.

- MERCI.

- Mais en fait, on ne sait même pas si Louis XVI souffrait bel et bien d’un phimosis.

- Ah bon ?

- Ben non. Les rapports sont indirects et la thèse doit beaucoup à Stefan Zweig, le romancier autrichien.

- Qu’est-ce qu’il vient faire là, lui ?

- En 1932, Zweig est tombé sur une série de lettres de la reine lettres à sa mère. Il en a tiré une biographie baptisée Marie-Antoinette.

- Pas con.

- Je suis un peu méchant, le livre a comme sous-titre « portrait d’une femme ordinaire ». C’est ce livre qui a popularisé l’histoire du phimosis et d’une opération dont on a en réalité aucune preuve.

- Encore une grande victoire pour le fact checking.

- Bon, ceci dit et quelle que soient les raisons qui explique le ... retour aux affaires ... du roi, ça n’a pas changé grand-chose. Louis XVI est resté plutôt calme côté braguette – c’est même le seul roi des Capétiens qui n’a eu ni maîtresse, ni favorite.

- Enfin officiellement.

- Je t’accorde qu’on ne sait jamais vraiment ce qui peut se passer dans les boudoirs mais c’est déjà un signal, et sans doute un signal volontaire.

- Ah bon ?

- Oui. En affichant sa fidélité, le « franc maladroit » a probablement voulu envoyer un signal après plusieurs règnes peu glorieux sur le plan de l’exemplarité conjugale. Et il a sans doute aussi voulu compenser l’image de frivolité dont sa femme n’a jamais su se débarrasser.