Paris, 2 janvier 1839. L’heure est déjà passablement avancée lorsque l’académicien Louis-Simon Auger [1] prend congé de son collègue Prosper de Barante [2], chez qui il vient de souper. Auger, qui vient de fêter son 56e anniversaire n’a rien laissé filtrer mais son moral est au plus bas – un état chronique chez cet homme frappé d’une « mélancolie » - la version 19e siècle de la dépression la plus sévère. Même son élection au sein de la prestigieuse Académie française, 23 ans plus tôt, n’avait pas apaisé ce spécialiste de Molière, de Corneille, de Rabelais et des auteurs classiques. Et vers 11 heures du soir, l’homme qui occupe alors le 32e fauteuil du quai Conti enjambe le parapet du Pont des Arts et saute - un grand destin qui se termine dans un tout petit plouf.
On ne retrouvera son corps que trois semaines plus tard à dix lieues de là vers l’aval, si peu reconnaissable qu’il faudra le secours des initiales gravées sur sa petite tabatière pour l’identifier. Le fauteuil 32 vient de s’illustrer pour la première fois.
Tremblez, Immortels
Celui-ci reste un moment inoccupé, mais la nature et l’Académie ayant horreur du vide, d’autres illustres derrières finissent par s’y asseoir, à commencer celui d’Alfred de Vigny. Le suicide du pauvre Auger finit par s’estomper - enfin jusqu’en 1909. Cette année, le feuilletoniste Gaston Leroux, déjà fameux depuis la publication du Mystère de la Chambre jaune, publie le premier épisode de son nouveau feuilleton dans le journal Je sais tout.
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